La réunion préliminaire sur la langue et l’apprentissage pour les enfants déplacés et affectés par les crises a engendré une discussion autour des défis et des opportunités.
Les enfants et les jeunes réfugié·e·s et déplacé·e·s à l’intérieur de leur pays sont contraint·e·s de fuir vers des pays ou des régions où iels ne parlent pas la langue d’enseignement. L’incapacité à communiquer et à apprendre de manière efficace dans la langue d’enseignement constitue un obstacle important à leur accès à une éducation. L’apprentissage de la langue est souvent une condition préalable à une intégration réussie dans les systèmes éducatifs nationaux et joue un rôle important dans l’inclusion sociale et dans la capacité des enfants à interagir avec leurs pairs de la communauté d’accueil.
La langue étant également liée à l’identité, la transmission de la langue maternelle est un aspect essentiel de la résilience interne d’une communauté déplacée.
“Tout le monde s’accorde sur l’importance de continuer d’apprendre et de parler la langue du pays d’origine, en plus de l’enseignement de la langue d’instruction (l’anglais, par exemple)”, explique Celia Reddick, du programme Refugee REACH de l’Université de Harvard. “Mais, dans la pratique, les ressources limitées conduisent généralement les acteurs concernés à se concentrer exclusivement sur la langue d’enseignement du pays d’accueil.”
Il s’agit là d’un des types de problèmes identifiés et discutés lors de cette réunion – co-organisée par le Hub mondial de Genève pour l’éducation dans les situations d’urgence et l’Agence des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) – sur la manière dont les compétences linguistiques affectent l’apprentissage des enfants et des jeunes en situations de crise, en particulier les enfants et les jeunes déplacé·e·s. L’intégration des enfants déplacés dans le système éducatif national du lieu d’accueil favorise de meilleurs résultats scolaires et, lorsque la langue maternelle des élèves et la langue d’enseignement ne sont pas les mêmes, cela peut créer de véritables tensions.
“La maîtrise de la langue d’enseignement est l’un des obstacles les plus importants à l’inclusion des enfants et des jeunes réfugié·e·s et déplacé·e·s dans les systèmes éducatifs nationaux”, a déclaré Jennifer Roberts, responsable de l’éducation au HCR. “Nous devons trouver une solution à ce problème pour que les engagements du Forum mondial des réfugié·e·s en matière d’inclusion soient respectés, de manière à favoriser l’apprentissage.”
Et il ne s’agit pas uniquement d’enseigner aux enfants et aux jeunes la langue d’enseignement du pays d’accueil.
“Les enfants réfugiés sont confrontés à un avenir incertain”, a déclaré Sarah Dryden-Petersen, directrice du programme Refugee REACH de Harvard. “Il est impossible de prédire quelles langues leur seront nécessaires pour poursuivre leurs études, travailler ou s’engager socialement.”
De plus, comme l’a souligné Dorine Ngo Djon de Plan Cameroun, “pour les étudiant·e·s qui suivent déjà leurs cours habituels, prendre des cours de langue supplémentaires peut représenter une contrainte importante.”
Moses Yonana, étudiant en journalisme et médias, qui avait été participé à un programme pour les jeunes réfugié·e·s soutenu Plan Cameroun, a appuyé ce propos, en appelant à un soutien plus holistique afin d’aider les enfants et les jeunes déplacé·e·s à mieux s’acclimater à leur nouvelles conditions de vie et aux activités sociales dans leur pays d’accueil.
Mme Dryden-Petersen partage cet avis: “Il nous faut penser à la fois en termes d’intégration structurelle et d’intégration relationnelle – établir des liens avec les enseignant·e·s et les communautés locales peut se révéler tout aussi important que le travail effectué en classe. C’est souvent ce qui permet à ces enfants de développer les outils nécessaires pour relier leur passé, leur présent et leur avenir, malgré l’instabilité de leur situation.”
Selon Reddick, les occasions de le faire existent. “Les enseignant·e·s ont signalé qu’iels ne reçoivent aucun soutien pour les cas de classes multilingues auxquelles iels ont été confronté·e·s, alors qu’eux·elles-mêmes apportent en réalité une véritable expérience en la matière.”
Cansu Albayrak, d’UNICEF Turquie, a présenté le cas de réfugié·e·s syriens en cours d’intégration dans le système éducatif turc, en mettant en avant aussi bien les réussites du projet que les difficultés rencontrées. Elle a également souligné l’importance des structures communautaires pour l’intégration sociale des enfants déplacés : “Des choses comme les centres communautaires, les cours de formation continue ou les programmes sportifs se sont avérés très utiles. Même si elles sont initialement conçues pour la population turque, et souvent pour les adultes, ces ressources peuvent être actionnées pour soutenir les enfants syriens.” Selon Mme Albayrak, les enfants ont besoin d’activités sociales et d’un environnement dans lequel ils peuvent s’intégrer progressivement et naturellement.
Malgré certaines avancées, il reste du chemin à parcourir.
Alors que les participant·e·s se sont mis·es d’accord pour faire avancer ce débat dans les prochains mois, il leur semble clair que les implications de la prise en compte de la langue dans l’apprentissage sont énormes et que les avantages peuvent être considérables, tant pour les personnes déplacées que pour les communautés qui les accueillent.