Des jeunes à la tête d’une éducation transformatrice de genre dans les situations d’urgence
Maria Nguyen et Eunice Lynda Nakaibale représentent le réseau SDG4Youth.
Les systèmes éducatifs ont été bouleversés par les “3C” – l pandémie de COVID-19, le changement climatique et les conflits. Et ce sont les filles marginalisées qui en font les frais.
En raison de la fragilité de nos systèmes éducatifs, nous avons tendance à réagir à ces chocs plutôt que de les anticiper. Si nous voulons transformer l’éducation, nous ne devons pas nous contenter de répondre aux crises au moment où elles surviennent. Nous devons nous pencher sur les causes profondes qui expliquent les fortes inégalités qui caractérisent encore aujourd’hui les systèmes éducatifs. Nous devons critiquer les stéréotypes et les attitudes, repenser ce que nous acceptons comme normes et remettre en question les relations de pouvoir.
L’éducation transformatrice de genre constitue un point de départ pour s’attaquer à ces causes profondes.
Selon les nouvelles données de l’Institut de statistique de l’UNESCO (ISU), on estime que 263 millions d’enfants et de jeunes dans le monde ne sont pas scolarisé·e·s. Les filles non scolarisées sont touchées de manière disproportionnée, en particulier celles qui sont confrontées à des discriminations croisées dues au statut de réfugié, au handicap, à l’identité de genre, à l’orientation sexuelle ou à l’éducation socio-économique, parmi de nombreux autres facteurs. Beaucoup sont exposées à la violence sexiste, aux mariages précoces, aux grossesses précoces et à la traite des êtres humains, ce qui met leur santé physique, mentale et sociale en danger.
C’est pourquoi nous avons besoin d’une action urgente de la part de toutes les parties prenantes de l’éducation – y compris les jeunes – pour atténuer la perte d’apprentissage et construire des systèmes éducatifs inclusifs, équitables, sûrs et résilients, capables de s’adapter aux chocs futurs et d’y résister. Quel est donc le rôle des jeunes dans la conduite d’une éducation transformatrice de genre dans les situations d’urgence ?
De nombreux jeunes sont passionné·e·s par la transformation de l’éducation. Nous sommes en mesure de partager nos expériences sur les modèles actuels de système éducatif, et de de mettre en avant leurs forces et leurs faiblesses. Nous sommes des pionnier·ère·s dans les programmes d’éducation par les pairs, en tant que modèles accessibles et faciles à comprendre.
Malgré cela, nous sommes rarement engagé·e·s de manière significative dans la coconception de solutions pour l’éducation ayant un impact sur notre santé et notre éducation et celle de nos pairs. Trop souvent, les jeunes sont invité·e·s à des consultations bien trop tard – voire pas du tout. Nous constatons que les personnes de pouvoir viennent souvent nous voir pour valider leurs décisions, au lieu d’écouter attentivement les perspectives des jeunes. Lors des conférences, on nous applaudit pour nos discours inspirés et nos cris du cœur, mais on nous donne souvent peu d’occasions de nous engager dans des actions de suivi. Pour parvenir à une véritable éducation transformatrice de genre dans les situations d’urgence, afin que personne ne soit laissé pour compte, les jeunes doivent être plus qu’une “case à cocher pour les parties prenantes”. Notre contribution est cruciale pour le succès de la transformation de l’éducation.
La Déclaration de la jeunesse du Sommet de la transformation de l’éducation comprend une liste de demandes de la part des jeunes. Pour réaliser cette Déclaration de la jeunesse et parvenir à une éducation transformatrice de genre dans les situations d’urgence, nous demandons aux dirigeant·e·s de :
- Travailler avec les jeunes à la co-conception et à la création de solutions pour mettre en œuvre une éducation transformatrice de genre aux niveaux local, national et international, ainsi qu’aux processus de suivi et d’évaluation. Il s’agit notamment de travailler avec les jeunes pour co-concevoir les initiatives mondiales phares issues du sommet.
- Financer et collaborer avec des organisations de base et renforcer les capacités des jeunes à mettre en œuvre de manière compétente une éducation transformatrice de genre, par exemple en pilotant le nouveau EiE-GenKit.
- Employer une approche multisectorielle, ciblant les médias, la société civile, les ministères, les départements, les agences, les institutions culturelles et religieuses, pour remettre en question et contester les stéréotypes sexistes nuisibles et les déséquilibres de pouvoir dans les communautés.
- Véhiculer des approches transformatrices de genre et les traduire dans les langues locales pour qu’elles soient comprises et applicables par les différentes parties prenantes au niveau communautaire. Il s’agit notamment de les traduire dans les langues des personnes handicapées, afin que l’accès aux informations sur les approches éducatives transformatrices de genre soit réellement accessible à toutes et à tous.
- Réviser les programmes nationaux afin d’y intégrer une éducation sexuelle complète (ESC), du primaire à l’université, et aider les enseignant·e·s à dispenser ce type d’éducation.
De nombreux jeunes reconnaissent que le changement commence avec nous. Voici trois membres du réseau SDG4Youth qui se sont manifestés pour raconter comment elles mènent déjà une éducation transformatrice de genre dans les situations d’urgence et de crise dans leurs communautés.
Yasmein Abdelghany nous parle de son travail avec Restless Development : “Restless Development forme, encadre, nourrit et connecte des milliers de jeunes pour qu’il·elle·s utilisent leur pouvoir de jeunesse et mènent le changement. L’organisation a récemment lancé un appel “Power Up” pour aider davantage de femmes et de filles en Sierra Leone et dans le monde à revendiquer leur droit à l’éducation. Le projet vise à faire en sorte que les filles et les femmes puissent aller à l’école, y rester et y faire carrière.
Maria Villatoro, membre du Science Club International, explique comment cette organisation à but non lucratif a réussi à catalyser la collaboration nationale et internationale pour donner des idées pour l’éducation dans les situations d’urgence, lors d’une pénurie de ressources essentielles comme l’électricité ou l’assainissement. “En Colombie, nous travaillons avec des communautés indigènes pour proposer des ateliers de construction de poêles artisanaux ou de filtres à eau.”
Après les récentes inondations au Pakistan, Rameesa Khan était plus déterminée que jamais à sensibiliser les gens pour mettre fin à la honte et à la stigmatisation des règles. Elle explique : “Le Pakistan est confronté à la plus grande catastrophe climatique et la moitié du pays est inondé ; les femmes sont confrontées à une réalité plus dure que les hommes”. Son organisation s’efforce d’aider les femmes à accéder à l’éducation et à vivre dans la dignité, en mettant à leur disposition gratuitement des produits menstruels en ces temps difficiles.
Si de nombreux jeunes comme Yasmein, Maria et Rameesa sont déjà acteur·trice·s du changement, une approche multisectorielle et intergénérationnelle est nécessaire pour parvenir à une éducation de qualité pour toutes et tous. Il est essentiel que les jeunes, dans toute leur diversité, collaborent de manière significative avec les autres parties prenantes pour mettre en œuvre une éducation transformatrice de genre dans leurs communautés. Sans l’engagement des jeunes, il n’y a pas d’appropriation partagée. Sans appropriation partagée, il n’y a pas d’engagement. Sans engagement, il n’y a pas de transformation. Nos voix sont au cœur de l’éducation.