Déplacement
Des millions d’enfants et de jeunes déplacé·e·s à l’intérieur de leur pays ou réfugié·e·s ne jouissent pas de leur droit à l’éducation. En l’espace de dix ans, le nombre d’enfants et de jeunes déplacé·e·s à l’intérieur et à l’extérieur de leur pays a presque doublé.1 Cette tendance augmente les besoins, les défis et les pressions sur les enfants et les jeunes, leur famille, les communautés d’accueil et les gouvernements pour des réponses plus concrètes et inclusives.
L’éducation dans les situations d’urgence peut servir de pilier au rétablissement, à l’autonomie et à la coexistence pacifique des enfants et des jeunes qui fuient les conflits, les persécutions ou les catastrophes. Une fois arrivés à destination, il arrive que les services éducatifs ne soient pas accessibles, ou qu’il·elle·s soient confronté·e·s à d’importants obstacles juridiques, administratifs, économiques, sociaux et culturels. Par exemple, la langue constitue souvent un obstacle à l’apprentissage. C’est le cas pour les déplacé·e·s internes dont la langue maternelle peut être issue d’une région ou d’une ethnie différente de celle de la communauté d’accueil, ainsi que pour les réfugié·e·s qui traversent des frontières linguistiques internationales. Pour les filles réfugiées, il est souvent difficile de trouver (et de conserver) une place dans une salle de classe. En vieillissant, elles ont tendance à être davantage marginalisées et l’écart entre les sexes dans les écoles secondaires se creuse. Les enfants et les jeunes handicapé·e·s, quant à eux/elles, peuvent constater que les écoles locales ne sont pas disposées à répondre à leurs besoins. Tant pour les enfants et les jeunes déplacé·e·s que pour les enfants et les jeunes locaux, les écoles peuvent être surpeuplées, et les enseignant·e·s et les ressources peuvent être insuffisants et inadaptés. La modification des dynamiques sociales peut entraîner une baisse du niveau d’instruction, un abandon scolaire et des tensions sociales.
En 2018, 181 pays ont adopté le Pacte mondial sur les réfugié·e·s (PMR) en réponse à ces besoins, notamment aux disparités croissantes entre l’éducation des enfants et des jeunes réfugié·e·s et non réfugié·e·s. Cet engagement international vise à réduire la pression sur les pays d’accueil, à renforcer l’autonomie des réfugié·e·s et à soutenir le rétablissement de la situation dans les pays d’origine pour permettre des retours en toute sécurité.2 À travers ce Pacte, la communauté internationale s’est mobilisée pour établir un programme ambitieux visant à accroître le financement, à renforcer la collaboration et à accélérer la mise en œuvre du droit des réfugié·e·s à l’éducation. Il appelle à une inclusion équitable dans les systèmes éducatifs nationaux, au développement de nouvelles possibilités de formation et d’enseignement supérieur, et à des réponses plus rapides et plus complètes en matière d’éducation.
Ce que nous savons :
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Les enfants et les jeunes réfugié·e·s et déplacé·e·s internes ont droit à une éducation inclusive de qualité, quel que soit leur statut.
Leur droit et leur besoin de disposer d’une éducation inclusive de qualité ne s’arrêtent pas en cas d’urgence et de déplacement. Au contraire, ils deviennent encore plus importants. L’accès à une éducation inclusive et équitable de qualité dans les systèmes nationaux crée des conditions dans lesquelles les enfants et les jeunes peuvent apprendre, s’épanouir, développer leur potentiel, construire une résilience individuelle et collective, expérimenter et négocier une coexistence pacifique, et contribuer à leur société.
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L’accès à un enseignement inclusif de qualité peut renforcer l’autonomie des enfants et des jeunes réfugié·e·s et déplacé·e·s internes.
Les connaissances et les compétences acquises dans le cadre de l’éducation, ainsi que des programmes d’éducation non formelle accrédités, peuvent permettre aux enfants et aux jeunes réfugié·e·s et déplacé·e·s internes d’apprendre tout au long de leur vie, et d’accroître leurs chances de mener une vie productive et indépendante.
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Les enfants et les jeunes réfugié·e·s et déplacé·e·s internes qui apprennent dans leur langue maternelle peuvent obtenir de meilleurs résultats scolaires.
Au Soudan, des écoles accueillant des réfugié·e·s, dont les enseignant·e·s sont recruté·e·s parmi la population réfugiée, ont été créées pour aider les Sud-Soudanais·es et les réfugié·e·s non arabophones à s’intégrer dans le système national et à s’engager auprès des communautés d’accueil. Le Nigeria soutient les déplacé·e·s internes qui apprennent dans leur langue maternelle dès les premières années d’école, et deviennent progressivement compétent·e·s en anglais aux niveaux supérieurs.
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Lorsque les enfants et les jeunes déplacé·e·s et réfugié·e·s suivent une scolarité aux côtés de la population locale, les deux parties peuvent en bénéficier.
Un enseignement inclusif et de qualité peut mettre les enfants et les jeunes déplacé·e·s en contact avec la culture et la langue de leur communauté d’accueil, facilitant ainsi leur intégration. En outre, l’enseignement inclusif peut répondre aux besoins des communautés déplacées et d’accueil, des personnes handicapées, des filles et des jeunes femmes, et s’attaquer aux préjugés, aux stéréotypes, à la discrimination et à la violence, améliorant ainsi la cohésion sociale et la coexistence.
Actions urgentes
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Augmenter le financement et les moyens pour inclure tous les enfants et jeunes réfugié·e·s dans les systèmes éducatifs nationaux.
Conformément à l’appel à l’action du Pacte mondial sur les réfugié·e·s, les États et les donateur·trice·s devraient fournir un financement pluriannuel pour renforcer les systèmes éducatifs nationaux et les capacités à réaliser le droit à l’éducation des enfants et des jeunes déplacé·e·s, tant sur le plan juridique que dans la pratique. Les écoles doivent être ouvertes à tous les enfants et les jeunes, quel que soit leur statut juridique. Les frais de scolarité et autres obstacles à l’accès doivent être supprimés, la scolarisation encouragée et les qualifications antérieures reconnues.
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Renforcer la programmation de l’éducation pour répondre aux besoins des déplacé·e·s internes, des réfugié(e)s et des communautés d’accueil.
Parmi les bonnes pratiques en matière d’éducation inclusive figurent : l’amélioration de la formation des filles déplacées à tous les niveaux ; l’inclusion des étudiant·e·s handicapé·e·s dans les communautés d’accueil ; les programmes d’apprentissage accéléré ; les approches innovantes visant à améliorer la qualité de l’apprentissage pour tous ; l’augmentation du nombre d’enseignant·e·s issu·e·s des populations réfugiées/déplacées ; la formation des enseignant·e·s ; l’amélioration des programmes d’enseignement technique et de formation professionnelle ; l’offre de bourses d’études pour l’enseignement supérieur ; et la promotion de partenariats pour tirer parti des capacités et des ressources nationales.
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Améliorer le timing et renforcer les mesures éducatives dans les situations d’urgence.
Les acteurs du secteur humanitaire et du développement doivent travailler ensemble avec les gouvernements nationaux, locaux et régionaux pour améliorer la qualité, la coordination et la mise en œuvre des mesures éducatives dans les situations d’urgence. Cela peut se faire par le biais d’une analyse et d’une planification conjointes, et en garantissant des mécanismes de financement globaux.
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Améliorer la coordination de la collecte de données sur les enfants et les jeunes réfugié·e·s et déplacé·e·s internes.
Les gouvernements, les organisations internationales, les ONG, les think tank, les universitaires et la société civile doivent collaborer pour résoudre les problèmes liés à la collecte de données régulières, pertinentes et ventilées sur les enfants et les jeunes déplacé·e·s.
Les faits
Il n’y a jamais eu autant d’enfants et de jeunes déplacé(e)s qu’aujourd’hui.
Le nombre d’enfants déplacés de force a doublé en l’espace de seulement 10 ans4
- À la fin de l’année 2021, 10,8 millions d’enfants étaient des réfugiés.5
- Si l’on ajoute les 1,8 millions d’enfants réfugié·e·s palestinien·ne·s sous la protection de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), environ 12,5 millions d’enfants étaient réfugié·e·s dans le monde à la fin de l’année 2020.6
- 1,2 million d’enfants avaient demandé l’asile à l’étranger fin 2021.7
- Seul 1 réfugié·e sur 10 a été accueilli·e par un pays à revenu élevé. Les pays à revenu élevé, à l’exception de l’Allemagne et de la Turquie, accueillent un nombre excessivement faible de réfugié·e·s.8
- Fin 2021, on recensait 59,1 millions de déplacé·e·s internes à travers le monde, dont 25,2 millions d’enfants de moins de 18 ans.9
- 22.8 millions d’enfants âgés de 0 à 18 ans avaient fui à l’intérieur de leur pays à cause de violences et de conflits en 2021, tandis que 2,4 millions avaient été déplacés par des catastrophes naturelles.10
- Il subsiste un manque important d’informations sur le sexe, l’âge, le handicap, l’éducation et d’autres caractéristiques des personnes déplacées dans le monde.11
Par rapport aux non-réfugié·e·s, les enfants réfugié·e·s ont nettement moins accès à l’éducation
- Seuls 68 % des enfants réfugié·e·s ont accès à l’enseignement primaire, contre 90 % des enfants dans le monde. Le taux ne s’élève qu’à 34 % pour l’enseignement secondaire, contre 66 % dans le monde, et à 5 % pour l’enseignement supérieur, contre 40 % dans le monde (fin 2020).12
- Les filles réfugiées restent derrière les garçons en matière d’accès à l’éducation. Au niveau primaire, les taux de scolarisation des réfugié·e·s étaient de 70 % pour les garçons et de 67 % pour les filles ; au niveau secondaire, ces taux étaient respectivement de 35 % et 31 %.13
- Les enfants et les jeunes réfugié·e·s continuent de faire face à certains défis et des obstacles en matière d’accès ou d’achèvement de la scolarité dans leur pays d’accueil. Citons, par exemple, les mois ou les années d’école manqués, le fait d’être trop âgé·e par rapport à leur classe, la nécessité d’apprendre de nouvelles langues, l’absence de documents, les problèmes de protection, les limitations en matière de transport, les pressions économiques, la discrimination et la stigmatisation, les traumatismes et la nécessité d’avoir accès à un soutien psychosocial.14
- Les déplacements importants posent des problèmes pour le recrutement, la rétention et la formation des enseignant·e·s. Si tous les réfugié·e·s s’inscrivaient, la Turquie aurait besoin de 80 000 enseignant·e·s supplémentaires, l’Allemagne de 42 000 enseignant·e·s et éducateur·rice·s, et l’Ouganda de 7 000 enseignant·e·s primaires.15
- Selon une récente étude de la Banque mondiale et du HCR, le coût de l’éducation de tous les réfugiés dans les pays d’accueil à revenu faible, intermédiaire inférieur et intermédiaire supérieur est estimé entre 4,4 et 5,11 milliards de dollars par an.16
CONCEPTS CLÉS 3
- Réfugié·e·s : personnes ayant fui la guerre, la violence, les conflits ou les persécutions et ayant franchi une frontière internationale pour trouver la sécurité dans un autre pays. Les réfugié·e·s sont défini·e·s et protégé·e·s par le droit international en vertu de la Convention de 1951 sur les réfugié·e·s et des protocoles et conventions ultérieurs régissant les différents aspects du statut de réfugié·e·s.
- Demandeur·euse·s d’asile : personnes ayant demandé une protection internationale et dont la demande de statut de réfugié·e· n’a pas encore été examinée.
- Déplacé·e·s internes : personnes ou groupes de personnes ayant été forcé·e·s ou contraint·e·s de fuir ou de quitter leur foyer ou leur lieu de résidence habituel, mais qui n’ont pas franchi les frontières internationalement reconnues d’un État, généralement en raison d’un conflit armé, de situations de violence généralisée, de violations des droits humains, de catastrophes naturelles ou d’origine humaine, ou pour en éviter les effets.
*Les membres du Hub mondial de Genève pour l’éducation dans les situations d’urgence ont fait appel à leurs connaissances et à leur expertise pour rédiger ce document. Contactez-nous.
SOURCES
- International Data Alliance for Children on the Move (IDAC) (2020). International Data Alliance for Children on the Move
- UNHCR (2018) Global Compact on Refugees.
- UNHCR (2022) Persons who are forcibly displaced, stateless and others of concern to UNHCR
- IDAC (2020).
- UNICEF (2021a). Child Displacement
- UNICEF (2021a).
- UNICEF (2021a).
- UNICEF (2022). Education, Children on the move and Inclusion in Education
- Internal Displacement Monitoring Centre (IDMC) (2022). Global Report on Internal Displacement 2022
- UNICEF (2021). Child Displacement
- IDMC (2022). Global Report on Internal Displacement 2022
- Refugee enrolment rates sourced from UNHCR (2021). UNHCR Education Report 2021: ‘Staying the course’ – The challenges facing refugee education; global education enrolment rates sourced from UNESCO Institute for Statistics (uis.unesco.org). Data as of September 2021.
- UNHCR (2021).
- Global Refugee Forum Education Co-Sponsorship Alliance and UNHCR (2019). Global Framework for Refugee Education.
- UNESCO (2018) Global Education Report 2019: Migration, displacement and education- Building Bridges, not Walls
- The World Bank and UNHCR (2021). The Global Cost of Inclusive Refugee Education
- The World Bank and UNHCR (2021).
- UNICEF (2022).