L’éducation dans les situations d’urgence (ESU) peut être un outil puissant pour faire progresser l’égalité des sexes.1 Le genre2 façonne les expériences des enfants et des jeunes pendant les crises et il affecte tout particulièrement leur scolarisation. L’intégration d’une approche soucieuse de l’égalité des sexes à l’ESU peut répondre aux besoins distincts des filles, des garçons, des femmes et des hommes, et contribuer à combler les écarts existants en termes de fréquentation scolaire, de participation et de réussite pour tous les groupes.
À travers le monde, les filles de tous âges ont moins de chances d’avoir accès à un enseignement de qualité en raison d’obstacles culturels, sociaux, financiers et physiques bien ancrés. Les situations d’urgence exacerbent ces obstacles. Les filles subissent généralement davantage de violences sexistes dans et aux abords des écoles ; le nombre de grossesses chez les adolescentes augmente par rapport aux périodes hors crise. Les mariages précoces, les grossesses et le travail domestique accru peuvent également connaître une forte augmentation. Parmi les autres obstacles, citons le manque d’installations et de systèmes de gestion de l’hygiène menstruelle adéquats, le manque d’enseignantes, les attaques contre les écoles, les familles en difficulté financière privilégiant l’éducation des garçons, etc.
Les garçons de tous âges vivant dans des situations d’urgence peuvent également être confrontés à des défis en matière d’éducation. Certains peuvent se recouper avec ceux auxquels les filles sont confrontées, mais d’autres diffèrent dans de nombreux cas. Par exemple, bien que l’association à des groupes armés ou des gangs et la participation à des activités illicites soient des risques auxquels sont confrontés les enfants de tous sexes, dans de nombreux contextes, les garçons sont particulièrement concernés. Dans le même ordre d’idées, les garçons peuvent être contraints de travailler très jeunes pour subvenir aux besoins de leur famille. Dans tous les cas, ces risques peuvent entraîner une perte d’apprentissage, voire un abandon scolaire.
En période de crise, l’éducation est plus importante que jamais. Pour les filles et les jeunes femmes, l’éducation et la protection forment un cercle vertueux, en particulier dans les situations d’urgence, lorsque les risques s’exacerbent. Instruire les filles et les femmes dans les situations d’urgence peut avoir pour effet de les protéger et de les transformer, ainsi que les communautés. L’éducation peut réduire la probabilité d’un conflit et transcender les générations. Elle peut faire reculer les violences sexistes, et contribue à la résilience et à la paix.
Ce que nous savons :
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Les enfants et les jeunes qui ont accès à une éducation sensible au genre peuvent obtenir les mêmes résultats d’apprentissage.
Comprendre les différents obstacles à l’éducation que rencontrent les apprenant·e·s est essentiel pour élaborer des réponses appropriées et efficaces. Une éducation sensible au genre peut favoriser des résultats d’apprentissage identiques en reconnaissant et en répondant aux besoins et capacités spécifiques des filles, des garçons, des femmes et des hommes, et en leur donnant les mêmes chances. Le résultat peut être transformateur, en particulier pour les filles et les jeunes femmes, qui sont alors en mesure de faire des choix de vie plus positifs et de réaliser leur potentiel.
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Lorsque les enfants et les jeunes dans les situations de crise reçoivent un enseignement sensible au genre, cela contribue à une paix durable.
L’éducation influence les normes et les identités culturelles. L’ESU sensible au genre permet aux enfants et aux jeunes, avec les conseils et la contribution d’enseignant·e·s qualifié·e·s, de remettre en question et de remodeler les normes sexospécifiques, culturelles et sociales nuisibles existantes, et d’internaliser des rôles sexospécifiques positifs. En outre, les bouleversements sociaux qui surviennent pendant les crises constituent un point d’entrée essentiel pour promouvoir l’égalité des sexes, ce qui peut contribuer à renforcer la résilience et le lien entre l’humanitaire, le développement et la paix.
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L’éducation dans les situations d’urgence peut sauver la vie des filles et des jeunes femmes vivant dans des contextes d’urgence.
Dans les contextes humanitaires où les risques en matière de protection sont importants, les filles et les jeunes femmes qui ont accès à un enseignement peuvent obtenir des informations essentielles sur les violences sexuelles et sexistes et être orientées vers des services sûrs et appropriés, ce qui peut préserver leur santé et leur sécurité, voire leur sauver la vie. En outre, les filles instruites peuvent prendre des décisions plus éclairées concernant leur santé et celle de leur famille. Les taux de survie des enfants sont plus élevés chez les femmes ayant un niveau d’éducation supérieur en raison de leurs connaissances accrues en matière de nutrition et de prévention des maladies infectieuses transmises par l’eau et les insectes.
Actions urgentes
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Répondre à la nécessité d’une approche sexospécifique forte dans la reprise de l’enseignement après Covid-19.
La fermeture des écoles a compliqué l’apprentissage des filles, car les normes sociales, les compétences numériques limitées et le manque d’accès aux appareils entravé la poursuite de leur formation. Les plans, budgets et politiques en matière d’éducation doivent donner la priorité aux zones géographiques présentant les plus grandes disparités entre les sexes en termes de scolarisation et de réussite scolaire, avec un faible nombre d’enseignantes et une forte prévalence des violences sexistes dans les communautés. Pour que les filles et les jeunes femmes reprennent leur scolarité, il peut être utile de déployer des efforts supplémentaires en faveur des possibilités d’apprentissage accéléré, de la gestion de l’hygiène menstruelle, des interventions contre les violences sexistes à l’école et de l’éducation à la santé sexuelle et reproductive. Il est essentiel de travailler avec des mouvements dirigés par des filles et des femmes, ainsi qu’avec d’autres personnes influentes, notamment les leaders communautaires et religieux, pour élaborer des campagnes de rescolarisation et garantir leur pertinence et leur portée.
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Promouvoir des environnements scolaires sûrs et inclusifs pour tous les enfants et les jeunes.
Avec l’engagement de l’ensemble du milieu scolaire, il faut favoriser les environnements d’apprentissage inclusifs, ainsi que l’élaboration de codes de conduite et de mécanismes de signalement clairs, l’embauche d’enseignant(e)s et la promotion de modèles issus de groupes marginalisés (ex : femmes, personnes handicapées…). La sécurité et la sûreté dans et aux abords des écoles doivent également être assurées, et l’éducation doit être liée aux services de santé et de protection liés au genre.
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Impliquer les enfants et les jeunes dans les processus de décision concernant l’ESU.
Impliquer les enfants et les jeunes de tous sexes, en particulier les filles et les jeunes femmes, et leur offrir des espaces sûrs et des opportunités pour qu’ils puissent participer systématiquement aux décisions concernant leur éducation, exercer leur pouvoir et faire entendre leur voix. À titre d’exemples, citons le Comité consultatif des filles et de leurs allié(e)s (GAAC) de Plan, le programme EGAL (Equality for Girls Access to Learning) de World Visions, la création de clubs de leadership destinés aux filles et le soutien aux parlements d’enfants pour promouvoir l’égalité des sexes.
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Rendre visible TOUS les enfants et les jeunes dans le domaine de l’éducation.
Il est impératif de disposer de données et d’éléments probants pour comprendre quelles stratégies et interventions fonctionnent, et comment développer les bonnes pratiques. Il est nécessaire de disposer de davantage de données ventilées par âge et par sexe sur les résultats d’apprentissage avant, pendant et après les crises (qui doivent inclure les enfants et les jeunes des groupes défavorisés, y compris les filles et les jeunes femmes). Il convient de recueillir des données sur les programmes ciblant les adolescentes dans les situations de crise, les enfants de diverses orientations et identités sexuelles dans les contextes humanitaires.
Les faits
Les inégalités de genre qui touchent les filles et les jeunes femmes se conjuguent avec la fragilité et les conflits
- Les filles vivant dans des contextes de conflit ont deux fois plus de risques de ne pas être scolarisées que leurs pairs vivant dans des environnements stables.3
- En 2021, sur les 78,2 millions d’enfants et de jeunes non scolarisé·e·s dans les pays touchés par une crise, 54 % – soit 42,2 millions – étaient des filles.4
- Plus de la moitié des filles non scolarisées dans le monde vivent dans des pays touchés par des conflits.5
- Les 10 pays ayant obtenu les scores les plus bas dans l’indice du genre des ODD 2019 de l’EM2030 étaient tous des États fragiles.6
- D’ici 2030, les filles vivant dans des pays touchés par des crises ne recevront en moyenne que 8,5 années de scolarité au cours de leur vie.7
- D’ici 2030, 1 fille sur 5 vivant dans un contexte de crise ne sera pas en mesure de lire une phrase simple.8
- D’ici 2030, seule 1 fille sur 3 vivant dans un contexte de crise terminera ses études secondaires.9
Autres lectures
Inter-Agency Network for Education in Emergencies (INEE) and United Nations Girls’ Education Initiative (UNGEI) (2019)
INEE Guidance Note on GenderUNESCO, UNICEF, PLAN International, UNGEI and Malala Fund (2020)
Building back equal: girls back to school guideUNGEI, INEE (2021) and Education Cannot Wait (ECW)
EiE-GenKitLes membres du Hub mondial de Genève pour l’éducation dans les situations d’urgence ont fait appel à leurs connaissances et à leur expertise pour rédiger ce document. Contactez-nous.
SOURCES
- L’égalité des sexes désigne l’égalité des droits, des responsabilités et des chances des femmes et des hommes, des filles et des garçons (UN Women).
- Selon l’OMS, le genre désigne les caractéristiques des femmes, des hommes, des filles et des garçons qui sont construites socialement. Cela inclut les normes, les comportements et les rôles associés au fait d’être une femme, un homme, une fille ou un garçon, ainsi que les relations entre eux. Le genre étant une construction sociale, il varie d’une société à l’autre et peut changer avec le temps.
- UNICEF (2022). Girls Education: Gender equality in education benefits every child
- ECW (2022.) Global Estimates: Number of crisis-affected children and adolescents in need of education support
- Inter-Agency Network for Education in Emergencies (INEE) (2021) Mind the Gaps: The State of Girls’ Education in Crisis and Conflict
- The EM2030 2019 SDG Gender Index measures the state of gender equality aligned to 14 of the 17 Sustainable Development Goals (SDGs) in 129 countries. Equal Measures 2030 (2020). Harnessing the power of data for gender equality: Introducing the 2019 EM2030 SDG Gender Index.
- Plan International UK (2019). Left out, left behind: adolescent girls’ secondary education in crises.
- Plan International UK (2019).
- Plan International UK (2019).
- Plan International UK (2019).
- UNGEI, INEE (2021) and Education Cannot Wait (ECW). EiE-GenKit.
- UNESCO, 2013. Education transforms lives
- The World Bank, UNESCO and UNICEF (2021). The State of the Global Education Crisis: A Path to Recovery. Washington D.C., Paris, New York: The World Bank, UNESCO, and UNICEF
- Faye,N. Plan International (2021) Are we truly listening to adolescent girls and young women? (Blog)
- Ridley-Padmore, T. World Vision Canada (2020). Children’s Voices at the Centre: Lessons from World Vision’s child participation models (Blog)
Sources supplémentaires
- Equal Measures 2030 (2021). Leveraging Data and Partnerships: Strengthening Girls Education in Emergencies with WROS
- Inter-Agency Network for Education in Emergencies (INEE) and United Nations Girls’ Education Initiative (UNGEI). (2019). INEE Guidance Note on Gender.
- INEE (2021). Closing the Gap: Advancing Girls’ Education in Contexts of Crisis and Conflict
- INEE (2022). Gender Collection.
- Plan International and Citi GPS: Global Perspectives and Solutions (2020). The case for Holistic Investment in Girls: Improving Lives, Realizing Potential, Benefitting Everyone.
- Population Reference Bureau (PRB) (2021). The Effect of Girls’ Education on Health Outcomes: Fact Sheet.
- UNICEF (2021). Reimagining Girls’ Education: Solutions To Keep Girls Learning In Emergencies