L’éducation dans les situations d’urgence est un moyen puissant de promouvoir la santé mentale et le bien-être des enfants et des jeunes touché·e·s par les crises. Dans les interventions humanitaires, l’ESU peut permettre aux enfants, aux jeunes et à leurs communautés de créer des liens, de donner du sens et de nouer des relations positives.
Une bonne santé mentale est un état de bien-être dans lequel une personne prend conscience de ses propres capacités, peut faire face au stress quotidien et est capable de contribuer à la communauté.1 Chez les enfants et les jeunes, une santé mentale saine se traduit par une bonne image de soi, la capacité à gérer ses pensées et ses émotions, la capacité à nouer des relations et la capacité à apprendre.2 La santé mentale est essentielle à la réussite des enfants et des jeunes à l’école et dans la vie.
La santé mentale des enfants et des jeunes peut être affectée de manière disproportionnée et facilement négligée dans le contexte de situations d’urgence. L’ampleur des dégâts, des destructions et des perturbations des routines scolaires et familiales causées par la crise peut être écrasante et stressante pour les enfants, les jeunes et les personnes qui en ont la charge, et avoir des répercussions sur la santé mentale et le bien-être. Il est important de souligner que les enfants et les jeunes ne réagissent pas tou·te·s de la même manière. Certain·e·s peuvent réagir immédiatement, tandis que d’autres peuvent manifester des signes de difficulté beaucoup plus tard. Certain·e·s peuvent avoir des réactions plus graves et plus durables.
Pour y remédier, le secteur de la santé mentale et du soutien psychosocial (SMSPS) vise à soutenir et à promouvoir la santé mentale et le bien-être psychosocial des enfants et des jeunes, ainsi qu’à prévenir ou à traiter les problèmes de santé mentale.3 Dans ce contexte, l’apprentissage socio-émotionnel (ASE) aide les enfants et les jeunes à développer les compétences sociales et émotionnelles nécessaires pour comprendre et gérer leurs émotions, fixer et atteindre des objectifs, faire preuve d’empathie, entretenir des relations saines et prendre des décisions responsables.4
L’intégration de la SMSPS et de l’ASE dans les écoles et à travers l’éducation dans les situations d’urgence est essentielle pour promouvoir le bien-être et l’apprentissage des enfants et des jeunes. Cette approche peut leur garantir un environnement favorable, les aider à développer des compétences pratiques essentielles et à établir des relations bienveillantes avec leurs pairs et les adultes. En outre, cette approche peut également soutenir la santé mentale des enseignant·e·s et des personnes en charge des enfants, et les aider à acquérir les compétences nécessaires pour soutenir les autres.
Ce que nous savons :
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Les enfants et les jeunes qui ont accès à l’éducation dans les situations de crise peuvent vivre et s’épanouir – par eux·elles-mêmes et avec les autres.
En dehors des besoins vitaux, la reprise rapide des cours constitue la mesure la plus importante pour protéger et promouvoir l’épanouissement des enfants et des jeunes pendant et après une crise. L’éducation atténue les conséquences psychosociales des conflits et des catastrophes en donnant aux enfants et aux jeunes un sentiment de normalité, de stabilité, de structure et d’espoir pour l’avenir. Elle peut également renforcer leurs compétences intellectuelles et émotionnelles, leur apporter un soutien social grâce à l’interaction avec leurs pairs et leurs enseignant·e·s, et renforcer leur sentiment de contrôle et leur estime de soi.
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Pour les enfants et les jeunes dans les situations d’urgence, l’intégration de la SMSPS et de l’ASE dans l’éducation peut améliorer leur apprentissage de manière rentable.
L’ASE, en tant que composante de la SMSPS dans l’éducation, favorise le développement de compétences sociales et émotionnelles qui renforcent les résultats scolaires et l’apprentissage tout au long de la vie. L’ASE peut favoriser chez les enfants et les jeunes le développement de la conscience de soi, de la maîtrise émotionnelle, de la flexibilité cognitive, d’une meilleure mémoire, de la résilience, de la persistance, de la motivation, de l’empathie, des compétences sociales et relationnelles, des capacités de communication et d’écoute, de l’estime de soi, de la confiance en soi, du respect et de l’autorégulation.
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L’investissement dans la SMSPS à travers l’éducation est très profitable aux enfants et les jeunes, ainsi qu’aux sociétés.
Les services de SMSPS intégrés à l’éducation peuvent constituer un ensemble de soins holistiques susceptibles d’améliorer le bien-être psychologique et de prévenir l’apparition et la dégradation de problèmes de santé mentale. Les interventions en milieu scolaire visant à lutter contre l’anxiété, la dépression et le suicide chez les adolescent·e·s âgé·e·s de 10 à 19 ans offrent un retour sur investissement de 88,70 dollars pour chaque dollar investi dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, et de 67,60 dollars dans les pays à faible revenu.
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Les enfants et les jeunes dotés de compétences ASE peuvent contribuer à la création de communautés plus fortes et plus cohésives sur le plan social.
Le bien-être social et émotionnel et la résilience des enfants et des jeunes sont essentiels à toute reconstruction post-conflit, à tout processus de développement ou à toute paix durable. De fait, le développement des compétences ASE dans les espaces d’apprentissage est souvent identifié comme un objectif clé dans les programmes destinés à renforcer la cohésion sociale avant, pendant et après une crise ou un conflit.
Actions urgentes
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Intégrer une SMSPS et un ASE durables dans les politiques, les programmes et les pratiques d’éducation.
Investir dans des approches globales de la SMSPS et de l’ASE dans le domaine de l’éducation, y compris pour les interventions d’urgence, au-delà des seuls programmes et évaluations, et en tenant compte de la manière dont l’expérience éducative affecte le développement et le bien-être des enfants. Intégrer le développement des aptitudes et compétences sociales et émotionnelles dans le programme scolaire. Établir et communiquer des systèmes d’orientation intersectoriels entre les secteurs de l’éducation et de la santé.
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Encourager un climat scolaire positif qui permette aux enfants et aux jeunes de se sentir en sécurité et connecté·e·s.
Les enseignant·e·s et le personnel doivent être formés à la SMSPS et à l’ASE, en adaptant les approches aux besoins évolutifs et distincts des enfants et des jeunes en matière de SMSPS et d’apprentissage. Les écoles doivent également permettre aux enfants et aux jeunes qui ont besoin d’un soutien supplémentaire en matière de SMSPS de bénéficier d’interventions préventives de qualité offrant des premiers secours psychologiques adaptés et opportuns, et fournir un accès facile aux services spécialisés.
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Soutenir la santé mentale et le bien-être des enseignant·e·s, comme une fin en soi.
La communauté de l’ESU peut faire davantage pour soutenir les enseignant·e·s qui travaillent dans des contextes d’urgence. Pour ce faire, il faut comprendre comment les enseignant·e·s contribuent aux résultats d’apprentissage des élèves, ainsi que de reconnaître, valoriser et soutenir leurs capacités, leurs connaissances et leurs besoins. Il convient de promouvoir activement le bien-être des enseignant·e·s en définissant clairement leurs conditions de travail, en prévoyant des espaces de soutien moral, de soutien par les pairs et de gestion du stress, et en mettant à leur disposition des outils de planification scolaire. Les enseignant·e·s doivent être soutenu·e·s dans leurs actions en faveur d’une meilleure rémunération et d’un changement de politique au niveau national.
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Combattre ensemble la stigmatisation et la discrimination en matière de santé mentale.
Des efforts conjoints des gouvernements, des donateurs, de la communauté humanitaire et des praticiens sont nécessaires pour combattre les idées reçues sur la santé mentale, ainsi que la stigmatisation et la discrimination qui y sont associées. À cette fin, il convient de sensibiliser les enfants, les adolescent·e·s, les personnes qui en ont la charge et les enseignant·e·s à la santé mentale et de les aider à mieux comprendre comment favoriser une bonne santé mentale. Cette question ne concerne pas uniquement les spécialistes de la santé. l.elle.sdoivent également pouvoir reconnaître les signes de détresse, chez eux et chez les autres, et chercher de l’aide si nécessaire.
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Investir dans l’élaboration de nouvelles données soutenant le lien entre la SMSPS et l’ESU.
Malgré la croissance rapide de la recherche sur les SMSPS/ASE, les données et la mise en œuvre des outils restent très limitées. Par exemple, les recherches visant à déterminer comment le bien-être psychosocial des enfants et des jeunes interagit avec les urgences et l’éducation demeurent rares. Les approches disponibles pour promouvoir la SMSPS et l’ASE, les implications contextuelles des outils de SMSPS et d’ASE et l’utilisation appropriée de ces outils sont peu connues. C’est également l’occasion d’investir dans des recherches élaborées et menées localement, notamment parce qu’il existe peu de données sur l’impact des efforts et des programmes relatifs au bien-être des enseignant·e·s.
Les faits
Les situations d’urgence ont un impact sur la santé mentale et le bien-être des enfants et des jeunes, affectant leur capacité à apprendre et à s’épanouir
Avant même la pandémie de COVID-19, les enfants et les jeunes du monde entier traversaient déjà une crise psychologique
- L’exposition à l’adversité, en particulier dans la petite enfance, peut entraîner des troubles de l’apprentissage, du comportement et de la santé physique et mentale permanents.
- 166 millions d’adolescent·e·s âgé·e·s de 10 à 19 ans – soit 13 % dans le monde – vivent avec un trouble mental diagnostiqué.
- Le suicide est la quatrième cause de décès chez les jeunes de 15 à 19 ans.
- La moitié des troubles mentaux se déclarent dès l’âge de 14 ans.
L’adversité prolongée menace la santé mentale, l’apprentissage et le bien-être des enfants et des jeunes
- L’exposition à l’adversité, en particulier dans la petite enfance, peut entraîner des troubles de l’apprentissage, du comportement et de la santé physique et mentale permanents.6
- Dans les situations d’urgence, les enfants et les jeunes sont souvent exposé·e·s à un stress toxique – une réponse au stress chez les enfants qui est intense, fréquente et prolongée, associée à l’absence d’un soutien adulte adéquat.7 Le stress toxique dans la petite enfance aura des répercussions considérables, en particulier sur l’apprentissage et la mémoire.8 Plus tard dans la vie, il peut entraîner des problèmes d’attention ainsi que des difficultés à maîtriser ses impulsions et ses émotions, éléments pourtant essentiels au processus d’apprentissage.9
- Lorsqu’il.elle.s sont exposé·e·s à l’adversité, les enfants et les jeunes peuvent avoir du mal à établir des liens avec les autres à l’école. Par exemple, les enfants qui ont perdu des proches auront souvent tendance à s’éloigner de leurs camarades et des enseignant·e·s à l’école.
- La confrontation à la violence pendant l’enfance peut également entraîner des comportements agressifs ou perturbateurs.11
- Les enseignant·e·s, le personnel scolaire et les parents qui ont eux-mêmes connu l’adversité peuvent également en subir les conséquences, ce qui affecte leurs interactions avec les élèves et leurs pairs. Inversement, les expériences vécues par les élèves peuvent affecter le bien-être des enseignant·e·s par le biais du traumatisme vicariant, qui se produit lorsqu’une personne est affectée négativement par son travail avec d’autres personnes ayant vécu un traumatisme.12
Autres lectures
Inter-agency Network for Education in Emergencies (INEE) (2018)
Guidance Note on Psychosocial Support: facilitating psychosocial wellbeing and social and emotional learningUnited Nations Children's Fund (UNICEF) United Nations High Commissioner for Refugees (UNHCR) United Nations Population Fund (UNFPA) World Health Organization (WHO) (2021)
The MHPSS Minimum Service PackageLes membres du Hub mondial de Genève pour l’éducation dans les situations d’urgence ont fait appel à leurs connaissances et à leur expertise pour rédiger ce document. Contactez-nous.
SOURCES
- WHO (2004). Promoting mental health: concepts, emerging evidence, practice: summary report
- UNICEF (2021a). The State of the World’s Children 2021: On My Mind – Promoting, protecting and caring for children’s mental health.
- Inter-agency Network for Education in Emergencies (INEE) (2016). INEE Background Paper on Psychosocial Support and Social and Emotional Learning for Children and Youth in Emergency Settings.
- Ibid
- UNICEF (2021a). The State of the World’s Children 2021: On My Mind – Promoting, protecting and caring for children’s mental health.
- Shonkoff JP, Boyce WT, McEwen BS (2009). Neuroscience, Molecular Biology, and the Childhood Roots of Health Disparities: Building a New Framework for Health Promotion and Disease Prevention.
- Shonkoff JP, Richter L, van der Gaag J, Bhutta ZA.(2012). An integrated scientific framework for child survival and early childhood development. Pediatrics.
- INEE (2016). INEE Background Paper on Psychosocial Support and Social and Emotional Learning for Children and Youth in Emergency Settings.
- American Academy of Pediatrics. (2014). Adverse childhood experiences and the lifelong consequences of trauma.
- National Child Traumatic Stress Network (2019). Childhood traumatic grief: Information for school personnel teaching military children.
- McDonald, A. (2017). Invisible Wounds: The Impact of Six Years of War on the Mental Health of Syria’s Children
- OECD (2020). Improving Education Outcomes for Students Who Have Experienced Trauma and/or Adversity. OECD Education Working Paper No. 242
- Masten, A. S., & Narayan, A. J. (2012). Child development in the context of disaster, war, and terrorism: pathways of risk and resilience.
- Inter-Agency Standing Committee (IASC) (2007). IASC Guidelines on Mental Health and Psychosocial Support in Emergency Settings.
- INEE (2016). INEE Background Paper on Psychosocial Support and Social and Emotional Learning for Children and Youth in Emergency Settings.
- UNICEF (2021a). The State of the World’s Children 2021: On My Mind – Promoting, protecting and caring for children’s mental health.
Additional Resources
- Dybdahl, Ragnhild, and James Williams (2021). “Editorial Note.” Journal on Education in Emergencies 7 (2): 5-18.
- Education Cannot Wait (2019). Healing and Recovery through Education in Emergencies.
- Frounfelker, R., Islam, N., Falcone, J., Farrar, J., Ra, C., Antonaccio, C., . . . Betancourt, T. (2019). Living through war: Mental health of children and youth in conflict-affected areas.
- INEE (2018). Guidance Note on Psychosocial Support: facilitating psychosocial wellbeing and social and emotional learning
- INEE (2021) Teacher wellbeing in emergency settings: Findings from a resource mapping and gap analysis
- INEE (2022). Psychosocial Support and Social and Emotional Learning (PSS and SEL) Collection.
- McDonald, A. (2017). Invisible Wounds: The Impact of Six Years of War on the Mental Health of Syria’s Children, Save the Children UK, London
- Save the Children (2019). Road to Recovery: Responding to children’s mental health in conflict
- Shonkoff JP, Richter L, van der Gaag J, Bhutta ZA (2012). An integrated scientific framework for child survival and early childhood development. Pediatrics.
- UNICEF (2021b). Preventing a lost decade: Urgent action to reverse the devastating impact of COVID-19 on children and young people.