L’éducation dans les situations d’urgence (ESU) et la protection de l’enfance sont intrinsèquement liées et se renforcent mutuellement. Aujourd’hui, près d’un·e enfant et jeune sur cinq dans le monde vit dans un pays touché par un conflit et ne bénéficie pas d’un accès adéquat à l’éducation. Le manque d’accès à l’enseignement augmente les risques liés à la protection de l’enfance, tels que la maltraitance, la négligence, l’exploitation économique et sexuelle, l’absence de domicile fixe, les violences sexistes et sexuelles, ainsi que le trafic et le mariage d’enfants.
En outre, les enfants et les jeunes qui sont déjà confronté·e·s à ces problèmes et à d’autres problèmes de protection, tels que les attaques contre les installations scolaires, la violence dans les écoles et la détresse mentale, sont souvent privé·e·s de leur droit à l’éducation. Les enfants et les jeunes handicapé·e·s ou issus de minorités, celles et ceux qui sont déplacé·e·s de force, les filles et les enfants de sexe et d’orientation sexuelle différents sont affecté·e·s de manière disproportionnée par ces situations. Pour tous ces enfants, l’éducation est vitale.
Les enfants et les jeunes qui bénéficient d’un enseignement inclusif, sûr et de qualité peuvent acquérir des connaissances et des compétences qui les aident à développer leur potentiel intellectuel, physique et émotionnel. Les écoles peuvent leur donner de l’espoir, un abri, un système de soutien et des informations essentielles pour protéger leurs droits. Inversement, les efforts de protection de l’enfance permettent de s’assurer que les enfants et les jeunes puissent aller à l’école en toute sécurité en prévenant et en répondant aux abus, à la négligence, à l’exploitation et à la violence à leur égard.
Ainsi, la collaboration entre l’ESU et la protection de l’enfance est complémentaire et se traduit souvent par un meilleur apprentissage, un renforcement des capacités, de la confiance, de la résilience, des relations plus saines entre les enfants, les jeunes et les adultes qui les entourent, ainsi que des sociétés plus pacifiques. Grâce à une meilleure coordination, l’ESU et la protection de l’enfance aident les enfants et les jeunes touché·e·s par des crises à apprendre en toute sécurité et à s’épanouir.
Ce que nous savons :
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Lorsque les enfants et les jeunes en situation d’urgence ont accès à une éducation de qualité, inclusive et sûre, il.elle.s peuvent apprendre, se socialiser et être protégé.e.s.
Des conditions propices à l’apprentissage permettent aux enfants et aux jeunes confronté·e·s à des crises d’apprendre, d’acquérir de nouvelles compétences, de rétablir des routines, de retrouver un sentiment de normalité, de jouer et de se projeter dans l’avenir. À l’école, il·elle·s peuvent développer des compétences cognitives et socio-émotionnelles, et établir des relations saines qui améliorent leur résistance à l’adversité. La fréquentation de l’école peut réduire le risque de mariage et de travail infantile, d’exploitation économique et sexuelle, et d’association avec des groupes armés et des gangs.
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Sans protection ni soutien, les écoles peuvent être dangereuses pour les enfants et les jeunes pris.es dans des situations d’urgence.
En l’absence de mesures et d’actions explicites visant à protéger et à rendre l’éducation inclusive et sûre, les écoles peuvent exposer les enfants et les jeunes à des risques liés à la protection de l’enfance, notamment les punitions corporelles et les violences, le harcèlement et les bagarres, les violences sexistes et les attaques, tant dans les établissements scolaires que sur le chemin de l’école. En outre, dans les conflits armés et les contextes violents, les écoles sont souvent utilisées à des fins militaires, menaçant la vie des élèves et les exposant à la violence et au risque d’association avec des forces et des groupes armés.
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Grâce à l’éducation, les enfants et les jeunes peuvent accéder à d’autres services essentiels et obtenir des informations vitales.
Les écoles sont des plateformes essentielles pour transmettre des messages vitaux qui peuvent réduire les risques de dommages physiques et psychologiques, de maladies et de décès chez les enfants et les jeunes. Ces risques peuvent résulter de facteurs tels que les violences sexistes, la traite d’êtres humains, l’exploitation, les mines et les munitions non explosées, les risques de catastrophe et les mauvaises pratiques en matière de santé et d’hygiène. Les écoles peuvent également mettre les élèves et leurs familles en contact avec des services essentiels tels que la protection de l’enfance, la santé mentale et le soutien psychosocial, la santé, la nourriture, etc.
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Une éducation de qualité, inclusive et sûre dans les situations d’urgence contribue à la consolidation de la paix et à la cohésion sociale.
En créant des environnements d’apprentissage qui promeuvent des valeurs positives et non violentes chez les enfants, les jeunes et la communauté – telles que l’inclusion, la tolérance, la justice, la paix, les droits humains, la solidarité, le respect et la résolution des conflits – les écoles peuvent contribuer à créer une culture de paix, réduisant ainsi le risque de violences et de conflits dans la société.
Actions urgentes
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Renforcer l’investissement dans la collaboration entre l’ESU et la protection de l’enfance avant, pendant et après les crises.
Il convient de prioriser l’augmentation des financements destinés à la mise en œuvre de solutions communes durables. La programmation et la coordination conjointes peuvent permettre d’améliorer la qualité des interventions, d’optimiser les ressources, de garantir l’identification et l’inclusion des enfants et des jeunes les plus à risque, et d’avoir un impact plus important sur leur apprentissage et leur bien-être.
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Améliorer la collaboration entre le secteur de l’ESU et la protection de l’enfance à chaque étape de la réponse humanitaire.
Qu’il s’agisse de l’analyse des besoins, de la planification stratégique, de la mobilisation des ressources, de la mise en œuvre ou du suivi et de l’évaluation, l’ESU et la protection de l’enfance doivent accroître leur interaction et leurs efforts conjoints. Parmi les exemples prometteurs, citons les processus d’analyse conjointe des besoins, la collaboration autour du développement et de la mise en œuvre des programmes scolaires, l’intégration de travailleurs sociaux en milieu scolaire, les mécanismes d’orientation intersectoriels, etc.
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Mobiliser les États pour qu’ils mettent en œuvre des politiques et des législations visant à protéger les enfants et les jeunes dans l’éducation. Tous les États doivent respecter le droit international humanitaire.
Ils doivent mettre en place des politiques et des législations, ainsi que des mécanismes de responsabilisation, pour protéger les enfants et les jeunes de toute forme de violences et d’attaques liées à l’éducation, ainsi que pour limiter l’utilisation des écoles et des universités à des fins militaires. Il convient de créer des environnements propices, ce qui implique de mettre en œuvre des stratégies d’éducation tenant compte des conflits, d’interdire les punitions corporelles dans les écoles et d’améliorer la capacité des systèmes éducatifs à prévenir et à répondre à la violence.
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Impliquer les enfants et les jeunes, leurs parents et l’ensemble de la communauté dans la mise en place d’environnements protecteurs à l’intérieur et autour des écoles.
Les enfants et les jeunes doivent participer à la conception et à la mise en œuvre de stratégies visant à prévenir la violence et à promouvoir leur bien-être dans les établissements scolaires. Cela encourage la participation, la contextualisation et l’appropriation. En outre, les écoles doivent également travailler avec les parents et la communauté pour lutter contre la discrimination et les pratiques néfastes, renforcer les réseaux de soutien et améliorer l’environnement physique et social aux abords des écoles et à la maison.
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Quality, inclusive and safe education in emergencies contributes to peacebuilding and social cohesion
Si les données recueillies dans les contextes non humanitaires suggèrent qu’une programmation intégrée bien coordonnée apporte une valeur ajoutée significative, les données provenant de contextes humanitaires restent limitées, ce qui entrave l’élaboration de solutions concrètes pour répondre aux besoins des enfants et des jeunes vivant dans des situations d’urgence.
Les faits
La violence entrave le droit des enfants et des jeunes à un enseignement de qualité
- 3 enfants sur 4 dans le monde, âgés de 2 à 4 ans, sont régulièrement soumis à une mesure de discipline violente par les personnes qui s’occupent d’eux.1
- 1 enfant sur 10 dans le monde est soumis au travail des enfants.2
- 1 femme ou fille sur 3 dans le monde sera victime de violence liée au sexe au cours de sa vie.3
- Bien que les données soient rares sur l’ampleur des violences sexuelles subies par les garçons, y compris les membres des communautés LGBTIQ+, les études de cas suggèrent que leur prévalence est significative.
- 650 millions de filles et de femmes dans le monde aujourd’hui ont été mariées alors qu’elles étaient encore des enfants.4
Les crises humanitaires exacerbent les risques liés à la protection de l’enfance
- 426 millions d’enfants dans le monde vivent dans des zones de conflit 5 – 127 millions d’entre eux étaient déscolarisés avant la pandémie. 6
- Entre 2005 et 2020, 93 000 enfants ont été recrutés de force dans des situations de conflit, le nombre réel étant probablement beaucoup plus élevé ; les parties armées en conflit ont enlevé 25 700 enfants ; et au moins 14 200 enfants ont été victimes de violence liée au sexe (97 % des cas signalés concernaient des filles).
- Au plus fort de la pandémie de COVID-19, 104 pays ont signalé que leurs services de prévention et de lutte contre la violence avaient été interrompus.8
Sans protection, les enfants et les jeunes sont en danger, même lorsqu’il·elle·s sont à l’école
- Entre 2015 et 2019,9 plus de 11 000 attaques ont été perpétrées contre l’éducation dans le monde, dont deux sur trois contre des établissements scolaires. 22 000 étudiant.e.s, enseignant.e.s et universitaires dans 93 pays ont été blessé.e.s, tué.e.s, arrêté.e.s ou lésé.e.s. Les parties armées en conflit dans 34 pays ont utilisé des écoles et des universités à des fins militaires.
- 720 millions d’enfants vivent dans des pays où les châtiments corporels à l’école ne sont pas totalement interdits.10
- Dans le monde, plus d’un élève sur trois âgé de 13 à 15 ans est victime d’harcèlement.11
- 50 % des enfants sont victimes de violence à l’école et autour de l’école.12
Autres lectures
Global Education Cluster & Global Child Protection Area of Responsibility (2020)
Education in Emergencies – Child Protection Collaboration FrameworkAlliance for Child Protection in Humanitarian Action (2019)
Minimum Standards for Child ProtectionGlobal Partnership and Fund to End Violence Against Children
Safe to learnGlobal Coalition to Protect Education from Attack
The Safe Schools DeclarationGlobal Education Cluster and Child Protection AoR
Guidance | Child Protection-Education in Emergencies Collaboration FrameworkLes membres du Hub mondial de Genève pour l’éducation dans les situations d’urgence ont fait appel à leurs connaissances et à leur expertise pour rédiger ce document. Contactez-nous.
SOURCES
- UNICEF (2022). Protection: Violence against children.
- UNICEF (2021). Preventing a lost decade: Urgent action to reverse the devastating impact of COVID-19 on children and young people.
- UNICEF (2022). Protection: Gender-Based Violence in Emergencies
- UNICEF (2021). COVID-19: A threat to progress against child marriage
- UNICEF (2021). Preventing a lost decade
- INEE (2020). 20 years of INEE: Achievements and Challenges in Education in Emergencies
- UNICEF (2022). Protection: Protecting children in humanitarian action
- UNICEF (2021). Preventing a lost decade
- Global Coalition to Protect Education from Attack (2020). Education under Attack 2020: A Global Study of Attacks on Schools, Universities, their Students and Staff, 2017-2019
- Safe to learn (2015). Safe to learn: Advocacy Brief.
- Safe to learn (2015).
- Safe to learn (2015).
Sources supplémentaires
- Alliance for Child Protection in Humanitarian Action. (2019). Minimum Standards for Child Protection.
- Child Protection Area of Responsibility (December 10th, 2021). www.cpaor.net
- Education Cannot Wait (2019). A call to Action: A case for investment in quality education in crisis.
- Inter-agency Network for Education in Emergencies (INEE) (2018). Where Child Protection and Education in Emergency Cross: A mapping by the INEE Advocacy Working Group.
- INEE and the Alliance for Child Protection in Humanitarian Action (2020). Position Paper: Collaboration Across Child Protection in Humanitarian Action and Education in Emergencies.
- Save the Children (2021). Build Forward Better: How the global community must act now to secure children’s learning in crises.
- Save the Children, the Alliance for Child Protection in Humanitarian Action, the Child Protection Area of Responsibility, and the Office of the UN High Commissioner for Refugees (2020). Still Unprotected: Humanitarian funding for Child Protection.
- OCHA (2022). Global Humanitarian overview 2022