Comment le secteur de l’éducation dans les situations d’urgence pourrait-il mieux répondre à l’urgence climatique ?

“En plus de collecter des données, il faut les utiliser. Nous devons également mener des recherches pour comprendre pourquoi les actions nécessaires ne sont pas menées. Pourquoi les changements ne sont-ils pas effectués ? Quels partenariats sont efficaces ? Et pour sont-ils efficace ?” – Moira Faul, directrice exécutive de NORRAG, Institut des hautes études internationales et du développement de Genève

La crise climatique s’intensifie rapidement et menace les droits des enfants à l’éducation, aux soins de santé, à l’alimentation et à la sécurité, entre autres. Si l’on considère que près de la moitié des enfants – plus d’un milliard – vivent dans des pays qui courent un risque extrêmement élevé de subir les conséquences du changement climatique, il est urgent de s’attaquer à ses effets sur le droit et l’accès à l’éducation.

L’éducation dans les situations d’urgence (ESU) peut soutenir et renforcer les capacités d’adaptation et la résilience des communautés face aux risques actuels et futurs posés par la crise climatique. L’ESU a le potentiel de garantir la participation significative et inclusive des acteurs locaux au renforcement de la résilience des systèmes éducatifs face aux risques climatiques. Le travail de l’ESU peut donc bénéficier de la réflexion et de la discussion autours des effets interdépendants du changement climatique, afin de protéger le droit à l’éducation face à la crise climatique et améliorer la vie des enfants et des communautés qui souffrent de ses impacts.

Un panel d’intervenant·e·s de l’Internal Displacement Monitoring Centre (IDMC), de la Croix-Rouge ougandaise, de NORCAP et de NORRAG, de l’Institut des hautes études internationales et du développement de Genève, ont partagé leur expertise lors d’un événement organisé par le Hub ESU dans le cadre de la Semaine des réseaux de partenariats humanitaires 2022.

Le sujet a été introduit par S.E. Laouali Labo, Ambassadeur à la Mission permanente du Niger auprès de l’ONU, qui a rappelé que le changement climatique, bien que de portée mondiale, affecte les populations de manière locale – et souvent, les populations ayant le moins contribué au dérèglement climatique, sont celles qui sont le plus touchées par ses conséquences. “Le changement climatique aura des conséquences seront différentes selon l’endroit où vous vous trouvez”, a-t-il déclaré. “Il n’aura pas les mêmes résultats dans un pays sahélien que dans un pays montagneux – les solutions doivent être adaptées aux besoins locaux, et l’éducation est essentielle pour renforcer la résilience des populations, et pour leur permettre de prendre en charge leurs décisions en matière de climat.”

“Les enfants devraient être encouragés et soutenus pour s’exprimer sur le changement climatique ,” a déclaré Dilmani Wickramasinghe, défenseure des enfants au Sri Lanka. “Cela pourrait inclure éduquer les enfants sur les effets néfastes du changement climatique, sur les signes et sur les précautions que nous pouvons prendre avant que la catastrophe ne frappe. Le gouvernement devrait disposer d’un programme éducatif pour aider les enfants à identifier les dangers et leurs apprendre à informer les autorités compétentes pour prendre les mesures de prévention, de protection et d’adaptation requises.”

“L’éducation peut encourager les gens à changer leurs attitudes et leurs comportements, et elle peut également leur donner les moyens de prendre leurs propres décisions en connaissance de cause”, a ajouté Sekagya Abdulrazaq, représentant de la jeunesse de la Croix-Rouge ougandaise. “Nous devons adopter et profiter des technologies ; nous devons financer et mettre en œuvre des solutions éducatives résiliantes au climat fondées sur des données probantes ; et nous devons investir dans des systèmes d’alerte précoce et d’action anticipée.”

Les intervenant·e·s ont toutes et tous mis en avant l’intérêt croissant des jeunes pour l’action climatique. Mais de nombreux systèmes et structures existants doivent être réformés en profondeur pour être en mesure de relever les défis actuels – notamment en situation de crise. Malgré une meilleure compréhension et connaissance des mesures nécessaires, leur mise en pratique met du temps à se traduire au niveau politique.

“Par exemple, pendant les inondations les écoles sont parfois détruites. Dans d’autres crises de déplacement, les écoles sont utilisées comme abris, et donc indisponibles pour l’éducation”, a déclaré le Dr Bina Desai, chef des programmes à l’IDMC. “Les situations et les aménagements temporaires qui en résultent peuvent finir par se prolonger. Il faut souvent attendre beaucoup trop longtemps pour voir les écoles reconstruites ou réparées, ce qui prolonge encore la période pendant laquelle l’éducation des enfants est impactée par l’urgence.”

“Des enquêtes ont démontré que 95% des enseignant·e·s pensent que le changement climatique est important ou très important à enseigner, et les jeunes s’en soucient beaucoup”, a déclaré Moira Faul, directrice exécutive de NORRAG, Institut des hautes études internationales et de développement de Genève. “Mais le BIE-UNESCO a passé en revue les programmes scolaires l’année dernière, et moins de la moitié des programmes étudiés faisaient référence au changement climatique. Moins de la moitié des enseignant·e·s avaient déjà reçu des conseils sur la manière d’enseigner le changement climatique.”

Benedicte Giæver, directrice exécutive de NORCAP, a parlé des défis résultant d’un manque de coordination entre l’éducation et la lutte contre le changement climatique. “C’est un problème qui est commun à de nombreux secteurs”, a-t-elle déclaré. “Cela prend du temps. Mais les écoles ont un rôle particulièrement important à jouer, car il est prouvé que lorsque les enfants apprennent, ils ramènent leur apprentissage à la maison et dans leur famille.”

La discussion a été modérée par Michelle Brown, coordinatrice du “Global Education Cluster”