Hub mondial de Genève pour l’ESU au RewirEd

Le 14 décembre, dans le cadre de la session “Funding for Impact” du sommet RewirEd, Petra Heusser, coordinatrice du Hub mondial de Genève pour l’éducation dans les situations d’urgence à Genève, a mis en avant la nécessité d’un plus grand investissement dans l’éducation dans les situations d’urgence – en particulier, la nécessité de considérer la langue comme une question essentielle pour les apprenant·e·s déplacé·e·s :

“Le langage est au cœur de toute interaction humaine. Nous utilisons des mots pour exprimer nos pensées, partager nos expériences, et apprendre de nouveaux concepts.

Et les mots que nous utilisons façonnent nos pensées, nos expériences et les concepts dans notre esprit. Sans pouvoir communiquer avec les autres, il peut être profondément déstabilisant de lire les signes ou de s’engager dans les tâches quotidiennes. L’incapacité de communiquer peut alors augmenter les risques liés à la protection et aggraver encore la détresse causé par le déplacement.

Pour les étudiant·e·s et les apprenant·e·s, être à l’aise avec la langue d’enseignement fait toute la différence.

Et pourtant, on ne considère pas encore assez sérieusement la langue dans le cadre d’une éducation de qualité pour les apprenant·e·s réfugié·e·s et déplacé·e·s.

Les enfants et les jeunes réfugié·e·s et déplacé·e·s à l’intérieur de leur propre pays, en particulier, sont souvent contraints de se réfugier dans des endroits où ils ne parlent pas la langue d’enseignement. Cela affecte à la fois l’accès à l’éducation et la qualité de l’apprentissage.

Si les besoins d’apprentissage de la langue ne sont pas pris en compte dès le début d’une situation d’urgence, cela peut retarder ou entraver l’accès à l’éducation formelle et peut avoir un impact profond sur la progression scolaire.

Il faut en faire plus.

Il est nécessaire de débloquer des fonds supplémentaires pour discuter et faire progresser les stratégies efficaces en matière de programmes et de pédagogie, ainsi que les outils disponibles et les éventuelles lacunes.

Il faut redoubler d’effort et encourager les interventions pratiques pour la planification linguistique dans l’éducation dans les situations d’urgence. Pour promouvoir le multilinguisme, il est essentiel de dialoguer avec les parties prenantes de la communauté afin de déterminer le rôle des différentes langues et la la manière dont elles peuvent être encouragées.

La promotion des possibilités d’apprentissage multilingue, les supports linguistiques et la formation des enseignant·e·s sont autant d’exemples d’interventions qui peuvent avoir un grand impact sur les possibilités d’éducation et l’avenir des apprenant·e·s déplacé·e·s, et qui auront également un impact positif sur la réussite et l’efficacité d’autres interventions d’urgence.

Les gouvernements et les donateur·trice·s doivent investir dans de nouvelles recherches, dans des approches pratiques et dans la mise en place de programmes de formation. Ils doivent soutenir l’apprentissage rapide des langues par divers moyens, dont les applications, les programmes d’apprentissage en ligne et les cours en personne.

Des recherches supplémentaires doivent être menées pour examiner quelles sont les langues réellement utilisées dans les camps de réfugié·e·s et les lieux de déplacement, afin d’étudier et de comprendre la manière dont les enfants et les jeunes déplacé·e·s de divers milieux se réunissent et apprennent dans différentes langues.

Les futures recherches devraient également explorer les compétences linguistiques et les pratiques pédagogiques des enseignant·e·s dans des environnements multilingues au service d’étudiant·e·s déplacé·e·s et nationaux·ales, ainsi que les implications des politiques et pratiques linguistiques pour les opportunités actuelles et futures des enfants et des jeunes.

Il est nécessaire de disposer de plus d’informations sur la manière dont les responsables politiques et les enseignant·e·s peuvent tirer parti des atouts des multiples langues pour stimuler l’apprentissage de toutes et tous dans un environnement linguistiquement diversifié.

Nous comprenons, bien sûr, qu’il existe des facteurs importants qui rendent ce sujet difficile.

La langue étant étroitement liée à l’identité nationale et politique, il est important de reconnaître qu’il s’agit d’un sujet toujours profondément politique et dont découlent des défis particuliers.

Nous devons également tenir compte de la tension entre l’importance de l’enseignement de la langue parlée à la maison et l’inclusion des apprenant·e·s déplacé·e·s dans les systèmes scolaires nationaux pour faciliter l’accès à l’école, la persistance, la qualité et la durabilité. Tous ces éléments sont essentiels pour l’avenir des enfants et des jeunes.

Parlons donc de bon sens. Ayons une conversation pratique sur la langue, en reconnaissant les vrais défis et en proposant des solutions réalistes. 

Nous devons souligner que les droits linguistiques sont des droits humains.

Nous devons investir davantage pour les enfants et les jeunes réfugié·e·s et déplacé·e·s à l’intérieur du pays, qui sont susceptibles de recevoir un enseignement dans une langue qu’ils ne comprennent pas.

Nous devons penser à la fois en termes d’intégration structurelle et d’intégration relationnelle – créer des liens avec les enseignant·e·s et les communautés est aussi important que le travail fait en classe. C’est souvent ce qui permet à ces enfants de développer les outils nécessaires pour faire un lieu entre leur passé, leur présent et leur avenir, malgré l’instabilité de leur situation.

Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que les enfants et les jeunes atteignent leur potentiel.”